Retrouvez l'article original sur Internet sur le site du Sydney Morning Herald |
Cet article a été publié dans le journal australien The Sydney Morning Herald en 2006. Il traite du versant féministe du mouvement lolita au Japon mais aussi des problèmes entre hommes et femmes dans ce pays.
Il date sans doute un peu mais il résume plus ou moins bien la situation d'où cette modeste traduction.
Il date sans doute un peu mais il résume plus ou moins bien la situation d'où cette modeste traduction.
Là où il y a des froufrous, il y a un moyen de garder les hommes à distance
Ceci est le visage (de poupée) du féminisme au Japon.
Avec ses pommettes rosées, ses cheveux blonds bouclés et ce bonnet, ce visage est hostile à tout ce qu'une jeune femme voudrait. Il s'agit d'une rébellion où l'on porte des froufrous.
"Plus la fille est faible, mieux c'est" soutient le personnage principal du roman Kamikaze Girls, une adolescente.
"Aussi exaspérant que cela puisse être pour son entourage, une fille est beaucoup plus mignonne si elle ne sait pas faire la moindre des choses - si elle ne sait pas faire ses propres lacets."
Appeler cela du féminisme ? Pour les femmes japonaises, oui : il ne s'agit pas des hommes, ni du fait d'être femme-au-foyer, ni des enfants, de la belle-mère, des jobs à temps partiels sans fin ou encore de l'obsession nationale du taux de natalité mais de l'opposé, de la pure indulgence.
Novala Takemoto, auteur de Kamikaze Girls, a confié ainsi au magazine Kateigaho : "Elles préfèrent rester jeunes filles. C'est leur forme de résistance... Elles ne sont pas là pour plaire ; elles ne dépendent de rien."
Elles se font appeler "lolita", un nom ironique dans ce monde chaste, fantasque de filles dont l'origine demeure un mystère même pour elles. En dépit du fait qu'il est utilisé dans l'industrie pornographique depuis les années 50, la lolita japonaise n'a de yeux que pour les jupons. Leurs chaussures fétiches, les Rocking Horses Ballerinas, les rendent même plus grandes que l'homme japonais moyen.
Le weekend dernier, de nombreuses lolitas ont défilé à Harajuku, le quartier jeune et excentrique de Tokyo. Symbole ultime des problèmes que rencontrent les femmes au Japon, leur message est clair : on regarde avec les yeux pas avec les mains.
Les lolitas s'insèrent dans une plus grande problématique. Selon des études, les femmes au Japon se retrouvent au bas de l'échelle au travail, en terme de salaires et de carrières.
Aux heures de pointe, une voiture leur est même réservée dans chaque métro afin d'éviter de se faire tripoter par les pervers, un risque de la vie de tous les jours.
Il n'y a pas non plus d'égalité entre époux. Une fois mariée, la femme s'occupe de son mari, de la maison, des enfants ainsi que des beaux-parents qui emménagent souvent avec eux. Puis quand l'argent vient à manquer, elle travaille en plus à temps partiel.
Dans les colonnes de magazines féminins, il n'est pas rare de lire des lettres de femmes au foyer déprimées, se plaignant de leur mari qui travaille tard, n'aide pas à la maison et dort tout le weekend. Contrairement à leurs semblables en Australie, aux Etats-Unis ou en Europe, les japonaises ne contrôlent pas aussi bien leur fertilité. Ainsi seul 2% d'entre elles prennent la pilule contraceptive, blâmant leurs partenaires, qui à en juger le taux d'avortement ne sont pas fiables.
Alors que le pays désespère à voir augmenter son taux de natalité, les mères célibataires sont traitées comme des cas sociaux et leurs enfants non reconnus par un père comme inférieurs. Ce qui les rend vulnérables aux discriminations à l'école, au travail, dans leurs relations ou encore en cas de successions.
Natsuo Kino, une auteure populaire de romans policiers, a repris cette trame. Dans une de ses histoires, un groupe d'épouses-ouvrières travaillant la nuit dans une usine agroalimentaire se rebelle. Lorsqu'une d'entre elle tue son mari, ses amies l'aide à le démembrer et le jeter aux ordures. Les femmes ont adoré le livre, affirme l'auteure. Qu'en est-il des hommes ?
L'antipathie est réciproque. Les hommes n'aiment pas non plus les femmes. Les mariages non consommés, un fait notoire au Japon, vont de pair avec une perte d'intérêts des célibataires pour les relations avec les personnes du sexe opposé.
[...]
Le ministère de la famille et des affaires sociales ne cesse de promouvoir la garde d'enfants proposant des bonus "bébé", la gratuité des soins maternels, des traitements pour la fertilité ou encore de garantir les conditions de travail des femmes enceintes. Le parti libéral démocrate y est néanmoins hostile.
Soulignant que l'individualisme a laissé place à l'égoïsme, des familles brisées et une société en déclin, une commission du parti a même suggéré de censurer le principe d'égalité inscrit dans la Constitution.